entete

 

AVOCAT- Fonction et responsabilité

 

POINTS-CLES

 

1. - Vis-à-vis de ses clients, l'avocat encourt une responsabilité civile professionnelle en raison des négligences et des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions (V. n° 2 à 6).

2. - L'avocat n'est tenu que d'une obligation de moyens qui est justifiée par le caractère aléatoire de l'activité (V. n° 7).

3. - Dans le cadre du mandat "ad litem" qui lui est confié, l'avocat est tenu d'un devoir de diligence et d'une obligation d'information et de conseil (V. n° 12).

4. - En vertu du devoir de diligence qui lui incombe, l'avocat doit accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure. Il engage donc sa responsabilité s'il n'effectue pas une formalité ou ne respecte pas les délais de procédure (V. n° 13 à 15).

5. - Également tenu d'un devoir de conseil, l'avocat doit fournir des informations exactes, donner des avis qui reposent sur des éléments de droit et de fait vérifiés, effectuer les recherches nécessaires, renseigner son client sur toutes les procédures qui peuvent être mises en oeuvre et proposer de soulever les moyens propres à le défendre (V. n° 16 à 22).

6. - Chargé de la rédaction d'un acte ou d'une consultation, l'avocat reste tenu d'un devoir de diligence et de conseil (V. n° 33 à 36).

7. - Lorsque sa responsabilité est engagée, l'avocat peut être condamné envers son client à réparer la perte de chance subie par son client, à la condition qu'elle soit réelle et sérieuse, ce qui dépend du résultat qu'aurait eu le procès ou l'issue de la consultation (V. n° 42).

8. - Afin de protéger les intérêts économiques des clients ou des tiers, l'avocat est tenu d'assurer les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle (V. n° 48 à 51).

9. - L'avocat s'expose à une responsabilité disciplinaire lorsqu'il est l'auteur d'une contravention aux lois et règlements, d'une infraction aux règles professionnelles ou d'un manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse (V. n° 52 à 61).

INDEX

 

Actes de procédure, 14

        Rédaction, 33 à 38

Action en responsabilité, 3

Assistance, 12 à 25

Assurances

        V. Obligation d'assurance

Avertissement, 61

Avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, 1, 3

Blâme, 61

Client

        Comportement, 32

        Défense de ses intérêts, 13 à 15

        Qualité, 32

Conseil

        Devoir, 16 à 22, 37 à 38

        de l'ordre, 2, 57 à 62

        Consultation, 37 à 38

Délai de procédure, 15

Devoirs

        V. Obligations

Diligence, 13 à 16, 35

Discipline

        V. Responsabilité disciplinaire

Dommage

        Dommages-intérêts, 47

        Faits diffamatoires, 24, 25

        Faute

                Absence, 29 à 32

        V. Préjudice

– civile, 10 à 38

Faute commise à l'audience, 24, 25

– disciplinaire, 52 à 62

Garantie financière, 51

Immunité, 25

Interdiction temporaire, 61

Lien de causalité

        Absence, 45

        Existence, 44

Mandat ad litem

        Définition, 12

        Obligations, 13 à 25

Mandat ad negotia, 26 à 28

Obligations

        Défaut, 30

        d'assurance, 48 à 51

        de conseil, 16 à 22

        de contrôle, 22

        de défendre les intérêts du client, 13 à 15

        de diligence, 13 à 15, 35

        de moyens, 7

        de résultat, 7

Plaidoirie, 23 à 25

Peines disciplinaires

        V. Sanctions

Perte de chance, 42

Préjudice

        Absence, 41

        matériel, 40

        moral, 40

        Perte d'une chance, 42

        Réparation, 46 à 51

Prescription, 3, 15

Procédure

        Actes, 14

        Délais, 15

        disciplinaire, 56 à 62

        Non-accomplissement, 14

Radiation, 61

Rédaction d'actes, 33 à 38

Représentation, 11 à 32

Responsabilité contractuelle, 5 à 7

        Conditions, 9 à 51

        délictuelle, 8

        Effets, 46 à 51

        Nature, 7

– disciplinaire

        Causes, 53 à 55

        Procédure, 56 à 62

Sanctions, 61 à 62

Sanctions disciplinaires accessoires, 62

– principales, 61

Séquestre, 28

 

I. –  Introduction

1. – Profession d'avocat - La loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 (JO 5 janv. 1991, p. 219), entrée en vigueur le 1er janvier 1992, a modifié la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (JO 5 janv. 1972, p. 131) en créant une nouvelle profession dont les membres portent le titre d'avocat et qui s'est substituée d'office, sauf renonciation des intéressés, aux anciennes professions d'avocat et de conseil juridique ( L. 31 déc. 1971, art. 1 § 1).

L'avocat cumule donc deux séries de fonctions. D'une part, il a pour mission d'assister et de représenter les parties, de postuler et de plaider, sans limitation territoriale, devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et les avoués près les cours d'appel ; il peut également assister et représenter autrui devant toutes les administrations publiques, sauf dérogations légales ou réglementaires  (L. 31 déc. 1971, art. 4 à 6). D'autre part, il peut donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé pour le compte d'autrui ( L. 31 déc. 1971, art. 54, dont le 1° a été complètement réécrit par l'article premier de la loi n° 97-308 du 7 avril 1997, relatif aux conditions de compétence pour l'exercice de la consultation juridique et de la rédaction d'actes).

2. – Responsabilités encourues - La loi du 31 décembre 1971 fait supporter à l'avocat deux types de responsabilité.

Il encourt, tout d'abord, une responsabilité civile professionnelle en raison des négligences et des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions  (L. 31 déc. 1971, art. 27) (II).

Il est également exposé à une responsabilité de type disciplinaire. La loi ( L. 31 déc. 1971, art. 22 et 25-1, ajouté  L. n° 82-506, 15 juin 1982) donne ici compétence au conseil de l'ordre, siégeant comme conseil de discipline, pour poursuivre et sanctionner les manquements à la discipline commis par eux (III).

II. –  Responsabilité civile des avocats

3. – Exercice de l'action en responsabilité - L'action en responsabilité peut être intentée contre l'avocat lui-même chaque fois qu'il exerce ses fonctions à titre personnel. En revanche, lorsqu'il exerce au sein d'une société, l'action est recevable à condition d'être intentée contre la société, chaque avocat associé exerçant les fonctions d'avocat au nom de celle-ci ( CA Paris, 1re ch. A, 8 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-020228. – 14 oct. 1998 :  Juris-Data n° 1998-023303). Dans tous les cas, l'avocat qui fait l'objet d'une action mettant en cause sa responsabilité en raison de son activité professionnelle doit en informer sans délai le bâtonnier ( D. 27 nov. 1991, art. 163 : JO 28 nov. 1991).

L'action suit les règles ordinaires de la procédure  (L. 31 déc. 1971, art. 26) et se prescrit par dix ans à compter de la fin de la mission de l'avocat ( C. civ., art. 2277-1, ajouté  L. n° 89-906, 19 déc. 1989). Toutefois, ce dernier texte, en visant la seule représentation en justice ou l'assistance, est inapplicable aux actions en responsabilité contractuelle découlant de l'activité extrajudiciaire de l'avocat, telle que la rédaction d'actes. Dans ce cas, le délai de prescription de droit commun, trente ans, reprend son empire.

Enfin, l'article 2270-1 du Code civil prévoit que les tiers peuvent agir en responsabilité délictuelle dans les dix ans qui suivent la manifestation ou l'aggravation du dommage.

De plus, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ne peuvent pas être assignés en responsabilité devant les juridictions de droit commun ( CA Paris, 2 juin 1999 :  JCP G 1999, II, 10134, R. Martin) mais la victime doit agir devant le conseil de l'ordre qui rend un avis que le Conseil d'État ou la Cour de cassation doivent homologuer  (Ord., 10 sept. 1817, art. 13). Celle-ci estime avoir ici "un pouvoir de pleine juridiction" pour statuer sur de telles actions et considère que l'absence de recours n'est pas contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, le double degré de juridiction en matière civile ne figurant pas au nombre des droits garantis par cette convention ( Cass., avis n° 8, 25 sept. 2000, X c/ Y :  Resp. civ. et assur. 2001, chron. n° 3, L'action en responsabilité dirigée contre un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, par H. Groutel).

235845
4. – Régime de la responsabilité - Les dispositions relatives à la responsabilité professionnelle des avocats n'ont jamais offert que des indications générales qu'il a toujours appartenu à la jurisprudence de compléter. Les solutions adoptées tant en ce qui concerne la nature (A) que les conditions (B) et les effets de la responsabilité (C) montrent que son régime n'est pas dérogatoire au droit commun. Toutefois, à travers les décisions retenant la responsabilité professionnelle de l'avocat, on constate, ces dernières années, un durcissement de la jurisprudence, spécialement en matière de devoir de conseil  (V. infra n° 16 à 22, 34 à 36), qui se présente comme la rançon de la qualité du service que l'on attend de la profession et se situe dans un courant général à toutes les professions libérales (R. Martin, Droit de la profession d'avocat :  JCP G 1998, I, 115, n° 18;  JCP G 1999, I, 126, n° 13).

A. –  Nature de la responsabilité

5. – Origine du dommage - La nature de la responsabilité civile dépend de la question de savoir si le préjudice trouve ou non son origine dans l'inexécution d'une obligation née d'un contrat. À l'égard de ses clients, l'avocat engage une responsabilité de nature contractuelle (1°); à l'égard des tiers, sa responsabilité ne peut être recherchée que sur le terrain extracontractuel (2°).

1° Responsabilité contractuelle

6. – Existence d'un contrat - Dans l'exercice de sa profession, l'avocat est lié à son client par un contrat qui s'analyse, selon la mission qui lui est confiée, en un mandat ou un louage d'ouvrage (Ph. Le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité : Dalloz Action 2000/2001, n° 4075), voire en un contrat innomé complexe (R. Savatier, Les contrats de conseil professionnel en droit privé : D. 1972, chron. p. 149, n° 29). En tout état de cause, l'avocat engage vis-à-vis de ses clients une responsabilité de nature contractuelle, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dès lors que le préjudice subi résulte de l'inexécution d'une obligation née du contrat, que cette inexécution soit due à son fait personnel ou au fait d'autrui. L'avocat est en effet civilement responsable des actes professionnels accomplis par son ou ses collaborateurs  (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 131).

7. – Nature de l'obligation née du contrat - L'avocat n'est cependant tenu que d'une obligation de moyens qui est justifiée par le caractère aléatoire de l'activité qu'il s'engage à déployer (Ph. Le Tourneau et L. Cadiet, op. cit. n° 4075. – G. Viney, Les conditions de la responsabilité civile : LGDJ, 1998, n° 547. –  Cass. 1re civ., 7 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-003697 ; JCP E 1998, n° 48, pan. rap. p. 1859;  JCP G 1998, n° 47, IV, n° 3241 p. 2027. –  CA Paris, 7e ch. A, 28 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-113553). Toutefois, la jurisprudence est parfois fluctuante et il semble que l'avocat puisse être tenu d'une obligation de résultat pour certaines obligations, telle celle de délivrer une assignation dans les délais requis  (TGI Paris, 1re ch. 1, 24 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-041266).

De plus, l'avocat rédacteur d'actes est considéré comme débiteur d'une obligation de résultat quant à la validité et à l'efficacité de la convention ( CA Basse-Terre, 4 déc. 1989 : Gaz. Pal. 1990, 1, somm. p. 21. –  CA Paris, 1er févr. 1991 : Juris-Data n° 1991-020570. – Contra,  Cass. 1re civ., 22 avr. 1981 : Bull. civ. I, n° 126, concernant le conseil juridique). Mais, dans la mesure où les juges continuent à exiger la démonstration d'une faute pour engager la responsabilité du rédacteur d'actes  (TGI Paris, 1re ch. 1, 24 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-041266), l'obligation de résultat apparaît comme une qualification peu opportune.

2° Responsabilité extracontractuelle

8. – Absence de contrat - L'avocat encourt une responsabilité de nature délictuelle ou quasi-délictuelle, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, dès lors qu'il n'existe pas de rapport contractuel entre l'avocat et la personne lésée :
- soit que cette dernière est un tiers au contrat liant l'avocat à son client (par exemple,  Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n° 97-22.660P :  Juris-Data n° 2000-002485;  Resp. civ. et assur. 2000, comm. n° 299, l'avocat a procédé à la saisie-attribution des comptes d'une compagnie d'assurance alors que la décision de justice condamnait une autre compagnie. –  CA Douai, 3e ch., 25 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-933771, à propos d'un avocat qui n'a pas vérifié la solvabilité de ses clients, adjudicataires d'un bien, qui se sont avérés défaillants lors du paiement ; les biens furent remis en vente mais adjugés à un prix inférieur, occasionnant un préjudice à la banque, constitué par la perte de chance d'obtenir un meilleur prix. –  CA Aix-en-Provence, 9 avr. 1998 : Juris-Data n° 1998-041847, qui énonce que les requérants recherchant la responsabilité de l'avocat de leurs adversaires ne peuvent agir que sur le terrain délictuel);
- soit que l'avocat a agi de sa propre initiative, donc sans contrat (V. pour un avoué ayant représenté des parties en appel sans mandat de leur part,  TGI Paris, 1re ch., 6 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-043599 ).

En tout état de cause, à l'égard des tiers, l'avocat ne peut être tenu que des conséquences de ses propres fautes, et non de celles commises par ses clients ( CA Aix-en-Provence, 9 avr. 1998, préc.).

B. –  Conditions de la responsabilité

9. – Mise en oeuvre de la responsabilité - La responsabilité professionnelle suppose non seulement, que le défendeur ait agi en qualité d'avocat  (CA Paris, 16 juin 1998 : Juris-Data n° 1998-022727), mais également que soit établie l'existence d'une faute (1°), d'un préjudice (2°) et d'un lien de causalité entre l'une et l'autre (3°).

1° Existence d'une faute

10. – Appréciation de la faute - Cette première condition obéit à un principe qui gouverne le droit commun de la responsabilité civile et qui a été affirmé tout particulièrement dans le domaine des responsabilités professionnelles : toute faute, quelle que soit sa gravité, engage la responsabilité de son auteur et s'apprécie in abstracto, par comparaison à la conduite d'un type abstrait, en l'occurrence un avocat avisé (G. Flécheux, F. Fabiani : La responsabilité civile de l'avocat :  JCP G 1974, I, 2673. – G. Viney, op. cit., n° 599).

L'avocat doit observer les règles de prudence et de diligence qu'inspire la sauvegarde des intérêts qui lui sont confiés par ses clients  (D. 27 nov. 1991, art. 156). En raison des diverses fonctions qu'il cumule, l'avocat est susceptible d'engager sa responsabilité pour les fautes commises aussi bien dans l'exercice d'une activité judiciaire (a) que dans celui d'une activité extrajudiciaire (b).

a) Fautes commises dans l'exercice de l'activité judiciaire

11. – Qualité de mandataire - À l'égard de ses clients, l'avocat est réputé agir en qualité de mandataire, ce qui le soumet aux articles 1984 et suivants du Code civil ("Mandataire", S. Bertolaso,   J.-Cl. Responsabilité civile et Assurances  Fasc. 415. – Cass. 1re civ., 18 janv. 1989 : Bull. civ. I, n° 17 ; D. 1989, inf. rap. p. 29;  JCP G 1989, IV, 99). Chargé de représenter son client en justice, il agit au nom de ce dernier en vertu d'un mandat ad litem (1). Il peut cependant être investi d'autres mandats que l'on désignera sous le nom de mandats ad negotia (2). Dans tous les cas, le manquement fautif de l'avocat à l'une des obligations découlant du mandat devra être établi. À défaut, la responsabilité sera écartée (3).

1) Mandat ad litem

12. – Définition - Le mandat ad litem est un mandat général, en ce sens qu'il oblige l'avocat, dans le cadre de l'activité judiciaire, à accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure. Sauf disposition ou convention contraire, le mandat de représentation en justice emporte une mission d'assistance  (NCPC, art. 413) qui confère à l'avocat pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense devant le juge  (NCPC, art. 412). En revanche, ce mandat n'emporte pas le pouvoir de transiger, et l'avocat qui accepte une offre amiable de transaction sans l'autorisation de son client dépasse l'étendue de son mandat et commet ainsi une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle  (CA Paris, 25e ch. B, 9 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-021640).

L'avocat est ainsi tenu, d'une part, de prendre toutes les initiatives utiles à l'instance qui lui est confiée (devoir de diligence), d'autre part, de tenir son client informé de la procédure (devoir de conseil), enfin d'assurer sa défense.

13. – Manquement au devoir de diligence - Il incombe à l'avocat de mettre en oeuvre, au moment opportun, les moyens de nature à parvenir à la défense des intérêts de son client  (CA Paris, 1re ch. A, 10 févr. 1998 : Juris-Data n° 1998-020659. – CA Angers, 1re ch. A, 30 avr. 1996 : Juris-Data n° 1996-042850) ou, autrement dit, de prendre les initiatives utiles à l'accomplissement de sa mission en veillant en particulier à la représentation de son mandat aux audiences du tribunal  (CA Paris, 1re ch. A, 2 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-024209). L'exécution de ce devoir suppose en outre qu'il vérifie que les autres acteurs du procès effectuent leur mission. Ainsi, le fait d'avoir signalé à l'huissier qu'une assignation devait être délivrée "d'extrême urgence" ne suffit pas à justifier de l'accomplissement du devoir de diligence : l'avocat aurait dû lui préciser la date ultime de délivrance de l'assignation et vérifier qu'il accomplissait sa mission ( CA Aix-en-provence, 1re ch. B, 31 oct. 1996 :  Juris-Data n° 1996-055508). Enfin, l'avocat doit mener sa mission jusqu'à son terme, et il commet donc une faute s'il remet les fonds obtenus à l'issue d'une procédure à un intermédiaire sans vérifier que ce dernier bénéficiait d'une assurance de responsabilité civile professionnelle, privant ainsi son client de la remise de ces fonds ( CA Paris, 25e ch. B, 9 janv. 1998, préc.).

14. – Non-accomplissement d'un acte de procédure - Engage sa responsabilité l'avocat qui omet :
- de venir le jour de l'audience  (CA Paris, 1re ch. A, 30 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-103132) ;
- d'accomplir une formalité : saisir le président du Tribunal de grande instance pour rendre un accord exécutoire ( Cass. 1re civ., 26 avr. 2000, n° 97-18.866 :  Juris-Data n° 2000-001662), notifier une procédure de résiliation d'un bail commercial ( Cass. 1re civ., 6 janv. 1998, n° 95-19.469 :  Juris-Data n° 1998-000104. –  CA Paris, 1re ch. A, 24 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-023422), signer une déclaration de pourvoi  (CA Bordeaux, 1re ch., 18 juin 1996 : Juris-Data n° 1996-043281), faire déposer ses conclusions  (CA Montpellier, 1re ch., 19 mars 1991 : Juris-Data n° 1991-001151), accomplir les formalités indispensables à la recevabilité d'une requête en annulation d'une décision ministérielle confirmant l'autorisation administrative de licenciement du salarié protégé  (CA Paris, 1re ch. A, 8 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-024425) ou préalables à l'inscription d'une hypothèque conservatoire ( CA Montpellier, 1re et 2e ch. réunies, 10 juin 1996, sur renvoi après cassation du 12 janvier 1994 :  Juris-Data n° 1996-034106) ou nécessaires pour qu'un jugement d'homologation d'un changement de régime matrimonial soit susceptible d'être rendu avant la mort d'un des époux  (CA Lyon, 6e ch., 30 avr. 1996 : Juris-Data n° 1996-047417) ;
- d'exercer un recours, contrairement aux instructions écrites de son client qui contestait une décision qui avait de sérieuses chances d'être réformée en appel ( CA Orléans, 11 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-044230. – CA Bordeaux, 1re ch., 24 oct. 1996 : Juris-Data n° 1996-046706. – CA Paris, 1re ch. B, 17 nov. 1995 : Juris-Data n° 1995-600376 ; Gaz. Pal. 1996, 1, somm. p. 13) ;
- de communiquer des justificatifs au juge ( CA Paris, 1re ch. B, 15 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-970610 ; Gaz. Pal. 1998, 2, somm. p. 31).

La mauvaise exécution d'un acte de procédure est évidemment assimilable à un défaut d'exécution. Manque donc à son devoir de diligence l'avocat qui rédige de manière insuffisamment précise une assignation de telle sorte qu'elle n'a pu interrompre le délai de la prescription biennale en matière de responsabilité des constructeurs ( Cass. 1re civ., 7 juill. 1993 :  Resp. civ. et assur. 1993, comm. n° 365) ou qui saisit un tribunal incompétent  (CA Bordeaux, 1re ch. A : 9 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-040937).

15. – Irrespect des délais - L'avocat doit effectuer avec diligence les formalités qui lui incombent dans le cadre de son mandat, même si son client ne lui signale pas d'urgence particulière  (CA Caen, 1re ch. civ., 12 déc. 1995 : Juris-Data n° 1995-051505).

Tel n'est pas le cas lorsque l'avocat n'assigne pas les parties dans le délai légal ( Cass. 3e civ., 1er mars 2000, n° 97621.799 :  Juris-Data n° 2000-000824. –  Cass. 1re civ., 15 oct. 1985 : Bull. civ. I, n° 257 ; D. 1987, somm. p. 104, obs. A. Brunois. –  CA Paris, 1re ch. A, 27 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-111955. – 13 janv. 1998 :  Juris-Data n° 1998-020111. – 15 févr. 1990 : D. 1991, somm. p. 299, obs. A. Brunois), ou dépose tardivement ses conclusions ( CA Paris, 25 mai 1987 : D. 1989, somm. 71, obs. A. Brunois) ou son mémoire ( Cass. 1re civ., 26 avr. 2000, n° 99-11.025 :  Juris-Data n° 2000-001665. – 9 nov. 1999, n° 98-17.369 :  Juris-Data n° 1999-004144) ou encore n'engage pas dans le délai une voie de recours ( Cass. 1re civ., 4 juin 1980 : Bull. civ. I, n° 72 ; Gaz. Pal. 1980, 2, 317. –  CA Paris, 1re ch. A, 18 mai 1999 : Juris-Data n° 1999-024408. – 19 mai 1998 :  Juris-Data n° 1998-970609) ou signifie un jugement avec retard  (CA Paris, 1re ch. B, 23 juin 1995 : Juris-Data n° 1995-022863) ou omet d'inscrire une hypothèque définitive dans les deux mois qui suivent le moment où le jugement au fond a acquis force de chose jugée  (CA Pau, 1re ch. 13 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-042232) ou n'agit pas en résiliation d'une vente dans les brefs délais imposés par le Code civil  (CA Paris, 1re ch. A, 13 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-020111) ou déclare les créances privilégiées de son client à une procédure de redressement judiciaire une fois le délai légal expiré  (CA Paris, 1re ch. A, 20 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-020216).

L'avocat manque aussi à son obligation de diligence s'il n'effectue aucun acte interruptif de prescription  (CA Paris, 1re ch. B, 1er déc. 1995 : Juris-Data n° 1995-024364) ou laisse prescrire une action en responsabilité décennale ( CA Paris, 1re ch. B, 27 oct. 1995 : Juris-Data n° 1995-602065 ; Gaz. Pal. 1996, 2, somm. p. 30) ou en responsabilité civile contre des gérants  (CA Paris, 1re ch. A, 3 avr. 1995 : Juris-Data n° 1995-021812) ou en diffamation  (TGI Paris, 1re ch. 1, 20 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-043605).

16. – Manquement au devoir de conseil - Le devoir de conseil de l'avocat est lié à l'exercice de sa profession et aux compétences qui y sont attachées et ne saurait donc être étendu au-delà de celles-ci et de sa mission. Dès lors, il ne peut pas être reproché de manquement à l'avocat mandaté pour mener à terme une procédure d'adoption d'un enfant qui s'est révélé par la suite atteint de syphilis  (CA Orléans, 2e ch. civ., 26 mars 1996 : Juris-Data n° 1996-042737). En revanche, la présence d'un avoué ( Cass. 1re civ., 29 avr. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1997, chron. n° 19, L'opportunité du procès et le devoir de conseil de l'avocat, H. Groutel :  JCP G 1997, IV, 1240, Les avocats sont-ils des canards de foire ?, P. Michaud), ou le statut d'avocat salarié  (CA Montpellier, 1er avr. 1990 : Juris-Data n° 1990-001243) ne suffisent pas à dispenser l'avocat de son devoir de conseil.

17. – Étendue du devoir de conseil - L'appréciation de l'étendue du devoir de conseil dépend à la fois de la complexité de celui-ci et des connaissances du client. Ainsi, un avocat est jugé avec d'autant plus de sévérité que les textes législatifs applicables sont dénués de toute ambiguïté ( Cass., 1re civ., 21 mai 1996, n° 94-12.974 :  Juris-Data n° 1996-002134) ou qu'aucun juriste ne peut les ignorer  (CA Agen, 1re ch., 14 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-045774).

Malgré ces nuances, l'inventaire des décisions rendues dans ce domaine permet de cerner le contenu du devoir de conseil de l'avocat.

Il est d'abord évident que l'avocat doit fournir des informations exactes  (CA Paris, 1re ch. B, 19 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-020247). Mais le devoir de conseil est plus étendu que la simple obligation d'information et implique aussi que l'avocat soit tenu de donner des avis qui reposent sur des éléments de droit et de fait vérifiés, en assortissant ses conseils de réserves s'il estime ne pas être en possession d'éléments suffisants d'appréciation et en effectuant les recherches nécessaires à celle-ci ( Cass., 1re civ., 21 mai 1996, n° 94-12.974 :  Juris-Data n° 1996-002134). Il lui incombe également de renseigner son client sur toutes les procédures qui peuvent être mises en oeuvre  (CA Douai, 3e ch., 27 janv. 2000 : Juris-Data n° 2000-120662), de choisir et de lui proposer la procédure la plus efficace ( CA Paris, 1re ch. A, 8 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-109270. – CA Paris, 1re ch. A, 1er févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-103879. – CA Agen, 1re ch., 14 oct. 1998, préc.) et plus généralement de soulever les moyens propres à le défendre ( CA Paris, 1re ch. A, 20 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-020219 ; Gaz. Pal. 1998, 1, somm. p. 26). En outre, il doit tenir informé son client de la date et de la teneur de la décision prononcée, de l'existence de voies de recours, des modalités de leur exercice  (TGI Paris, 1re ch., 27 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-043597) et lui faire connaître son avis motivé sur l'opportunité de former une voie de recours ( CA Paris, 1re ch. A, 18 mai 1999, préc. –  CA Toulouse, 1re ch. civ., 12 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-042448).

18. – Preuve de l'exécution du devoir de conseil - Il appartient à l'avocat de prouver qu'il s'est acquitté de son devoir de conseil ( Cass. 1re civ., 29 avr. 1997 : Bull. civ. I, n° 132;  JCP G 1997, II, 22948, R. Martin;  Resp. civ. et assur. 1997, chron. n° 19, L'opportunité du procès et le devoir de conseil de l'avocat, par H. Groutel. – 23 nov. 2000, n° 99-11.009 :  Juris-Data n° 2000-007042). En effet, la seule inexécution de son obligation fait présumer sa faute  (CA Grenoble, 1re ch. civ., 13 juill. 1999 : Juris-Data n° 1999-045131).

19. – Inexécution du devoir de conseil - L'inexécution du devoir de conseil de l'avocat peut consister en une information inexacte, un avis erroné, ou encore un mauvais choix de procédure.

20. – Fondement erroné ou mauvais choix de procédure - L'avocat manque à son devoir de conseil s'il engage une procédure manifestement vouée à l'échec et contraire aux intérêts de sa cliente alors qu'il aurait dû l'avertir des risques éminemment prévisibles auxquelles elle s'exposait ( Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, préc.) ou saisit une juridiction incompétente ( Cass. 1re civ., 9 juill. 1996, n° 94-14.341 :  Juris-Data n° 1996-003338) ou donne à son client l'assurance de ses droits conduisant inutilement celui-ci à engager une procédure ( Cass. 1re civ., 21 mai 1996, préc.). Il a été également jugé que l'avocat qui laisse prescrire une action ne manque pas à son obligation de diligence dans la conduite de la procédure en raison des hésitations de son client quant à l'exercice de ladite action mais commet une faute dans son devoir de conseil pour n'avoir pas informé ce dernier sur les conditions d'exercice des voies de droit qui lui étaient ouvertes ( Cass. 1re civ., 10 déc. 1991 :  Resp. civ. et assur. 1992, comm. n° 97).

Il en va de même pour l'avocat qui laisse expirer un délai d'appel sans porter à la connaissance de son client la teneur de la décision rendue ( Cass. 1re civ., 7 févr. 1989 : Bull. civ. I, n° 62) ou qui omet de vérifier l'existence d'une clause de réserve de propriété afin de permettre à son client de recouvrer sa créance dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ( CA Agen, 1re ch., 14 oct. 1998, préc.), ou qui laisse saisir et vendre un immeuble commun à deux époux alors que seul le mari avait souscrit un acte de cautionnement, sans penser à fonder la défense des époux sur l'article 1145 du Code civil qui prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres par un cautionnement ( CA Paris, 1re ch. A, 20 janv. 1998, préc.) ou encore qui incite un élève officier victime d'une intoxication alimentaire à porter plainte avec constitution de partie civile, alors qu'en matière militaire, la victime ne peut être que partie jointe, et persiste en outre dans son erreur en saisissant successivement deux juges d'instruction et la chambre d'accusation  (CA Rennes, 1re ch. A, 18 juin 1996 : Juris-Data n° 1996-046887).

21. – Information inexacte ou absente - Constitue un manquement au devoir de conseil le défaut d'information caractérisé par le fait de ne pas signaler l'existence d'une voie de recours ( Cass. 1re civ., 13 nov. 1997 : Juris-Data n° 1997-004408 ; JCP G 1997, IV, 2518. – CA Paris, 1re ch. B, 19 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-020247. – CA Toulouse, 1re ch. civ., 12 févr. 1996, préc.) ou de conseiller de ne pas faire appel alors que les chances d'obtenir une réformation du jugement étaient réelles  (CA Paris, 1re ch. B, 12 avr. 1996 : Juris-Data n° 1996-021505) et même si le jugement n'avait que peu de chance d'être infirmé  (CA Douai, 3e ch., 17 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-044886).

De plus, la mission de l'avocat ne finit pas systématiquement avec l'obtention d'une décision favorable. C'est ainsi qu'un avocat ayant obtenu 100 000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par des enfants mineurs après le décès de leur mère et de leur frère et ayant transmis ces fonds à l'administrateur légal, n'a pas été pour autant considéré comme déchargé de sa mission : il aurait également dû informer ce dernier de l'obligation de les placer sur un compte ouvert au nom du mineur dans un établissement agréé et de l'existence du contrôle du juge des tutelles  (CA Colmar, 2e ch. civ. B, 30 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-043500).

A également été considéré comme fautif le fait de ne pas attirer l'attention d'un client sur le caractère immédiatement exécutoire d'une décision (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997 : Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 230) ou de constater l'existence d'un conflit d'intérêts entre deux époux dans le cadre d'une procédure de divorce sur requête conjointe, sans inviter l'un d'eux à s'adresser à un autre avocat  (CA Paris, 1re ch. A, 16 févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-107683) ou de ne pas préciser la différence entre une pension alimentaire et une prestation compensatoire ainsi que les conditions draconiennes de révision de cette dernière à l'occasion d'une procédure de divorce  (CA Lyon, 2e ch., 27 juin 1995 : Juris-Data n° 1995-053699).

22. – Devoir de contrôle - L'avocat est tenu d'un devoir de contrôle qui consiste notamment à vérifier que l'action de son client est fondée et que les conditions de recevabilité de celle-ci sont réunies. Engage donc sa responsabilité professionnelle l'avocat qui ne vérifie pas qu'un syndic de copropriété a été autorisé à agir en justice au nom du syndicat par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires ( CA Versailles, 4e ch., 7 avr. 1995, 2 arrêts :  Juris-Data n° 1995-041964 et 1995-041328).

Il en va de même pour un avocat qui n'a pas sollicité les documents nécessaires à une action en remboursement  (CA Paris, 1re ch. A, 29 févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-117902) ou qui n'a pas vérifié l'existence de la dette fiscale d'un expert-comptable, fondement de la demande  (CA Paris, 1re ch. A, 17 janv. 1995 : Juris-Data n° 2000-021634) ou qui s'est fié à la seule réputation des dirigeants d'une entreprise, sans vérifier la solvabilité de celle-ci, pour former une surenchère importante dans le cadre d'une saisie immobilière  (CA Agen, 1re ch., 7 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-044289).

23. – Manquement au devoir de présenter la défense du client - L'avocat plaidant jouit d'une indépendance qui s'oppose en principe à ce que l'acte de plaidoirie soit une source de responsabilité. Il ne contracte aucune obligation professionnelle sur la façon dont il prépare et présente ses cotes de plaidoiries, celles-ci constituant une simple méthode de travail ( Cass. 1re civ., 2 avr. 1963 : Bull civ. I, n° 199 ; D. 1963, jurispr. p. 439), ni sur la manière dont il propose une argumentation : il reste libre de choisir ses arguments à condition d'avertir son client qu'il n'utilisera pas un moyen suggéré par celui-ci ( Cass. ass. plén., 11 mai 1971 : Bull. civ. ass. plén. n° 1 ; RTD civ. 1971, p. 698, obs. Hébraud) et assure donc la défense de son client avec les moyens qu'il juge les plus aptes à faire valoir sa cause ( CA Lyon, 22 juin 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 237).

24. – Exemples de fautes - Le développement d'une argumentation totalement inappropriée ( CA Paris, 1re ch. A, 15 oct. 1996 : Juris-Data n° 1996-023197, à propos d'un avocat qui, s'agissant d'une action en réparation de malfaçons affectant un immeuble, n'a pas mis en jeu la responsabilité décennale des constructeurs et a assigné l'architecte sur le fondement des  articles 1382 et 1383 du Code civil), le fait de renoncer à soutenir un moyen et d'accepter de transiger sans l'accord de son client ( CA Paris, 1re ch. B, 9 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-602082 ; Gaz. Pal. 1996, 2, somm. p. 30), la non-comparution à la barre  (CA Paris, 1re ch. A, 4 déc. 1990 : Juris-Data n° 1990-051981), le refus de plaider ( TGI Paris, 25 avr. 1979 : Gaz. Pal., 1979, 1, jurispr. p. 279), constituent cependant une faute.

Il en va de même pour l'omission de demander, à titre subsidiaire, une limitation contractuelle de la garantie de l'assureur au cas où celle-ci serait retenue ( Cass. 1re civ., 3 mai 1995 :  Resp. civ. et assur. 1995, comm. n° 257) ou de solliciter en appel les intérêts moratoires non demandés par son confrère en première instance  (CA Paris, 1re ch. B, 15 mai 1996 : Juris-Data n° 1996-022134).

25. – Immunité - L'avocat plaidant bénéficie devant les juges d'une immunité ayant pour effet d'écarter à l'égard des tiers sa responsabilité pénale et civile pour les discours ou les écrits diffamatoires, injurieux ou outrageants  (L. 29 juill. 1881, art. 41, al. 3).

Cette immunité, qui est justifiée par les nécessités de la défense en justice, est toutefois levée lorsque les faits évoqués sont étrangers à la cause  (L. 29 juill. 1881, art. 41, al. 5). De même, les juges saisis de la cause peuvent ordonner la suppression des discours diffamatoires, injurieux ou outrageants et condamner l'avocat à des dommages-intérêts  (L. 29 juill. 1881, art. 41, al. 4) mais il a été jugé que c'est à bon droit qu'une cour d'appel n'avait pas usé de cette faculté dès lors que la note en réplique de l'avocat constituait de véritables conclusions soumettant des prétentions nouvelles ( Cass. 1re civ., 7 févr. 1990 : Bull. civ. I, n° 37 ; Gaz. Pal. 1990, 2, pan. jurispr. p. 124;  JCP N 1990, II, 188).

De même n'ont pas été considérées comme excessives les conclusions d'un avocat selon lesquelles la garantie d'achèvement des travaux était un faux, le notaire était "complice" du promoteur, et le représentant des créanciers coupable de ces malhonnêtetés ( CA Paris, 28 juin 1999 :  JCP G 2000, I, 231).

2) Mandat "ad negotia"

26. – Ces mandats peuvent n'avoir aucun lien avec une procédure judiciaire ou bien être l'accessoire ou une extension du mandat ad litem. Néanmoins, quel que soit leur objet, ils astreignent toujours l'avocat à un devoir de diligence et de conseil.

27. – Devoir de diligence et de conseil - A été jugé en faute l'avocat qui n'a pas mis ses clients, créanciers déclarés adjudicataires à défaut d'enchérisseur, en mesure de fixer une mise à prix correspondant à l'état réel de l'immeuble  (CA Nîmes, 1re ch., 15 oct. 1991 : Juris-Data n° 1991-000955). De même, l'avocat commet une faute lorsqu'il ne donne aucune instruction au notaire qu'il a chargé de procéder au renouvellement d'une inscription hypothécaire de telle sorte que l'inscription va se trouver périmée ( CA Paris, 9 nov. 1988 : D. 1988, inf. rap. p. 290) ou lorsqu'il ne procède pas à la régularisation d'un contredit à l'état des créances d'une société mise en liquidation de biens dont sa cliente était créancière ( CA Versailles, 1er févr. 1990 : D. 1991, somm. p. 299, obs. A. Brunois).

28. – Mission de séquestre - Lorsque l'avocat assume une mission de séquestre, il doit prendre toutes mesures utiles pour en assurer l'efficacité. Il a été précisé que l'acte qu'il a rédigé, en mettant à sa charge une telle obligation, lui est opposable même s'il ne l'a pas signé ( Cass. 1re civ., 8 juill. 1994 : Bull. civ. I, n° 238;  Resp. civ. et assur. 1994, comm. n° 378). L'avocat engage également sa responsabilité au cas où il manque à sa mission, soit en refusant de rendre le moindre compte ou de justifier de l'emploi des fonds remis ( CA Paris, 1re ch. B, 14 juin 1996 : Juris-Data n° 1996-600876 ; Gaz. Pal. 16 oct. 1996, n° 290-291, jurispr. p. 21), soit en versant les sommes à lui confiées sans y avoir été autorisé ( CA Paris, 6 juin 1985 : Gaz. Pal. 1985, 2, jurispr. p. 690), soit le plus souvent en ne remettant pas ces fonds au créancier ( CA Amiens, 1re ch., 3 janv. 1986 : Juris-Data n° 1986-048006, pour les fonds résultant du prix de vente d'une association dont il était le conseil. –  CA Paris, 1er févr. 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 62, pour les fonds et les billets à ordre destinés au paiement du vendeur d'un fonds de commerce. – V. aussi,  Cass. 1re civ., 4 juin 1991 :  Resp. civ. et assur. 1991, comm. n° 338, qui retient la responsabilité de la société de caution mutuelle pour avoir commis de graves négligences lors du contrôle de la comptabilité professionnelle d'un conseil juridique constitué séquestre dont l'insolvabilité avait empêché les vendeurs de percevoir les fonds à lui confiés en raison d'une garantie financière insuffisante).

3) Hypothèses d'absence de faute

29. – Il arrive qu'aucune faute ne soit mise à la charge de l'avocat en raison de circonstances qui, certes, sont variées mais peuvent être regroupées en trois catégories.

30. – Défaut d'obligation de l'avocat - L'absence de faute peut d'abord tenir au fait que l'avocat n'était pas tenu des obligations dont l'inexécution lui est reprochée. Plus largement, il ne peut être reproché à l'avocat de ne pas avoir assisté son client dans le cadre d'un contrat de protection juridique, alors que celui-là avait refusé d'accepter les conditions posées par l'assureur sur le contrôle préalable des actes de procédure et sur la limitation de garantie et en avait informé son client ( Cass. 1re civ., 10 févr. 2000, Provitolo c/ GIE Civis :  Juris-Data n° 2000-001867). Ne commet pas de faute l'avocat qui surenchérit alors que son client est insolvable, dès lors que l'interdiction d'enchérir faite par l'article 711 du Nouveau Code de procédure civile aux avocats en cas d'insolvabilité de leur client ne s'applique qu'à l'insolvabilité notoire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ( Cass. 2e civ., 4 janv. 1990 : D. 1990, somm. p. 341, obs. P. Julien. –  CA Paris, 1re ch. A, 28 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-022548, qui précise que l'insolvabilité notoire ne peut résulter de la modestie du capital social du client, ni du défaut de versement de la surenchère le jour de sa déclaration). Il ne peut être reproché de manquement au devoir d'information ou de conseil à un avocat dont les omissions étaient sans conséquence sur les droits de son client  (CA Rennes, 1re ch. A, 24 oct. 1995 : Juris-Data n° 1995-051757). De même, le non-accomplissement de certaines formalités après une adjudication n'est pas fautif dès lors que celles-ci n'entraient pas dans le mandat initial et que les clients ne rapportent pas la preuve d'une extension de ce mandat ( CA Paris, 8 oct. 1990 : D. 1990, inf. rap. p. 247).

31. – Comportement avisé de l'avocat - À l'évidence, l'avocat n'engagera pas sa responsabilité lorsque le préjudice subi par le justiciable ne lui est pas imputable  (Cass. 1re civ., 16 juill. 1991 : Juris-Data n° 1991-001984), notamment parce qu'il aura satisfait à son obligation de diligence et à son devoir d'information et de conseil :

Obligation de diligence : ne commet pas de faute l'avocat qui n'a pas mis en cause le commettant de son client condamné personnellement au paiement des dommages-intérêts, dans la mesure où la recherche de la responsabilité civile du commettant était illusoire ( Cass. 1re civ., 14 oct. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 18 ; Juris-Data n° 1997-004167). N'est pas fautif l'avocat d'un salarié qui ne répond pas aux conclusions de l'employeur parce que les conclusions qu'il a préalablement déposées réfutaient par avance les moyens de ce dernier ( Cass. 1re civ., 28 nov. 1995, n° 93-15.895 :  Juris-Data n° 1995-003835) ou qui ne se rend pas au rendez-vous de conciliation proposé par l'employeur de son client, non par négligence, mais parce qu'il a jugé cette réunion inopportune compte tenu des propositions de l'employeur. Dans le cadre d'une procédure de divorce, l'avocat ne commet aucune faute en ne déclarant pas contraire au droit toute position de la partie adverse, en recherchant un apaisement ou en se rapprochant de l'avocat de son épouse  (CA Paris, 1re ch. 22 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-024901). De même, un client ne peut reprocher à son avocat de n'avoir pas invoqué un moyen de défense inopérant  (CA Paris, 1re ch. A, 16 juin 1998 : Juris-Data n° 1998-021571) ou de ne pas avoir demandé une expertise alors que celui-ci a obtenu la condamnation du défendeur et a donc conduit le procès de manière satisfaisante ( CA Lyon, 22 juin 1989, préc.) ;

Devoir d'information et de conseil : si l'avocat doit, en principe, conduire jusqu'à son terme l'affaire dont il a été chargé, il peut décider de ne pas poursuivre sa mission à condition de prévenir son client en temps utile  (D. 27 nov. 1971, art. 156). Tel est le cas lorsque un avocat qui a décidé de mettre fin au mandat donné par son client lui indique la date de l'audience et l'informe qu'il ne le défendra pas, puis, n'ayant pas reçu de réponse, se présente à l'audience pour en informer le tribunal et la partie adverse, et demander le report de l'audience pour que son ancien client soit en mesure de choisir un nouveau représentant ( Cass. 1re civ., 4 oct. 2000, n° 97-18.743 P :  Juris-Data n° 2000-006104;  JCP G 2001, I, 284, R. Martin). Il en a été jugé de même au bénéfice d'un avocat qui avait clairement prévenu son client à plusieurs reprises qu'il ne pourrait continuer à suivre son dossier si son prédécesseur n'était pas réglé de ses honoraires ( Cass. 1re civ., 3 oct. 1995, n° 92-21.240 :  Juris-Data n° 1995-003086). Il est souvent fait référence à la nécessité d'une information réitérée pour justifier l'irresponsabilité de l'avocat, puisqu'il a aussi été jugé que n'était pas fautif l'avocat qui avait attiré l'attention des parties à plusieurs reprises sur les inconvénients de la solution qu'elles avaient adoptée de telle sorte qu'elles n'avaient pu se méprendre sur les conséquences juridiques de la convention souscrite ( Cass. 1re civ., 3 janv. 1996, n° 93-20.533 :  Juris-Data n° 1996-000069). N'a pas non plus manqué à son devoir de conseil l'avocat qui n'a pas recommandé une procédure de divorce pour faute, d'une part en ce qu'elle comporte des risques pour son client, d'autre part, en ce que cette procédure, destinée à maintenir artificiellement la déductibilité fiscale d'une pension alimentaire ne pouvait être considérée comme une réponse déontologique adéquate ( Cass. 1re civ., 7 oct. 1998, n° 96-16.426 :  Juris-Data n° 1998-003833).

235845
32. – Comportement ou qualité du client - Le comportement ou la qualité du client peut faire disparaître la faute commise respectivement dans le devoir de diligence ou de conseil mais ce n'est pas systématique ( Cass. 1re civ., 19 mai 1999, n° 96-20.332 P :  Juris-Data n° 1999-001936 ; D. 2000, somm. p. 153 ; Gaz. Pal. 1999, 2, pan. jurispr. p. 178). Par exemple, bien que professionnel du prêt immobilier, un établissement bancaire n'est pas compétent dans le domaine de la vente sur saisie immobilière, et l'avocat chargé de la mise à prix d'immeubles est donc seul responsable de la perte de chance de la banque d'obtenir un prix d'adjudication égal à leur valeur vénale  (Cass. 1re civ., 20 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-004128). De même, le fait que le client de l'avocat ait disposé d'un service juridique important et compétent ne permet pas à l'avocat de s'exonérer  (CA Paris, 1re ch. A, 12 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-930199).

À l'inverse, l'avocat n'est pas déclaré responsable pour le non-accomplissement ou l'accomplissement tardif d'un acte ou d'une formalité lorsque le client lui a donné ses instructions hors-délai ( Cass., ass. plén., 6 juin 1986 : Gaz Pal. 1986, 2, jurispr. p. 1) ou lorsqu'il ne lui a pas donné d'instructions alors qu'il était informé de la procédure à suivre ( CA Lyon, 5 oct. 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 289) ou au contraire, lorsqu'il a manifesté son intention de ne pas exercer une voie de recours  (CA Paris, 1re ch. A, 13 nov. 1990 : Juris-Data n° 1990-025642). Voit également sa responsabilité écartée l'avocat qui refuse de représenter son client à l'audience en raison du non-paiement de ses honoraires  (CA Angers, 1re ch. A, 3 avr. 1991 : Juris-Data n° 1991-042137). De même, n'a pas été jugé responsable l'avocat qui n'a pas informé son client sur la portée d'une transaction dès lors que celui-ci, en raison de sa profession, était parfaitement au courant des usages du commerce.

Il a même été jugé qu'une faute d'appréciation d'une règle juridique ne pouvait être qualifiée de grossière et donc de nature à engager la responsabilité de son auteur, à propos d'un avocat qui avait négligé d'interrompre la prescription biennale applicable à un contrat d'assurance vie ; d'une part, il s'agissait d'une particularité "pouvant échapper à des juristes confirmés", d'autre part son client n'avait que peu de chances de succès car l'assuré n'avait plus de contrat de travail au jours du décès et avait cessé de payer ses primes depuis plusieurs mois  (CA Paris, 7e ch. A, 28 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-113553).

b) Faute commise en qualité de rédacteur d'actes ou de conseil

33. – Appréciation des obligations de l'avocat - Chargé de la rédaction d'un acte ou d'une consultation, l'avocat reste tenu d'un devoir de diligence et de conseil  (Cass. 1re civ., 21 mai 1996 : Juris-Data n° 1996-002134)  : il lui incombe d'apporter la diligence à se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et d'informer ses clients sur la portée de l'acte ou – c'est l'objet même de la fonction de conseil – sur la conduite à tenir (F. Flécheux et F. Fabiani, préc. n° 15). Toutefois, les obligations de l'avocat seront appréciées avec plus ou moins de rigueur selon qu'il agit en qualité de rédacteur d'actes ou en qualité de conseil.

1) Faute lors de la rédaction d'un acte

34. – Preuve de la faute - Celui qui charge son avocat d'établir une convention est en droit d'attendre la rédaction d'un acte valable et efficace. Même si, en dépit de l'obligation de résultat qu'elle tend à faire peser sur l'avocat rédacteur d'actes, la jurisprudence continue à exiger la démonstration d'une faute  (V. supra n° 7), la responsabilité de l'avocat est facilement engagée du fait qu'en l'absence d'aléa, l'invalidité ou l'inefficacité de l'acte ne peut que résulter d'une négligence de son rédacteur.

35. – Obligation de diligence - Un avocat doit prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte ( Cass. 1re civ., 5 févr. 1991 : Bull. civ. I, n° 46 ; Gaz. Pal. 1991, 2, pan. jurispr. p. 164;  JCP G 1991, IV, 26), même à l'égard de l'autre partie  (CA Paris, 16e ch. A, 8 sept. 1999 : Juris-Data n° 1999-024794). D'une part, celui-ci doit être "régulier, légal et réglementaire", d'autre part, il doit être "utilisable" par le client (P. Michaud, préc.).

L'omission ou l'absence de vérification d'un élément dont dépend la validité ou l'efficacité de l'acte constitue un manquement fautif à ce devoir de diligence.

Est donc en faute l'avocat qui omet de respecter les conditions prévues pour :

– la cession ou la location-gérance d'un fonds de commerce ( Cass. 1re civ., 1er févr. 2000, n° 97-17.720, Poumerol c/ Paricat :  Juris-Data n° 2000-000525. –  Cass. 1re civ., 21 mai 1996, n° 94-11.082 :  Juris-Data n° 1996-002127. –  CA Paris, 1re ch. A, 29 oct. 1996 : Juris-Data n° 1996-023252. – CA Paris, 1re ch. B, 30 juin 1995 : Juris-Data n° 1995-022591) ;

– la cession d'un bail commercial ( CA Paris, 1re ch. A, 24 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-020470. – 6 janv. 1990 : D. 1990, inf. rap. p. 58. –  TGI Paris, 1re ch., 18 déc. 1996 : Juris-Data n° 1996-046601) ;

– la cession de parts sociales ou d'actions : il appartient à l'avocat d'assurer l'efficacité de l'acte, de conseiller son client au mieux de ses intérêts et de le mettre en garde contre les périls prévisibles ( Cass. 1re civ., 7 juill. 1998, n° 96-15.083 :  Juris-Data n° 1998-003307. –  CA Chambéry, 29 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-102454. – CA Paris, 1re ch. A, 27 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-023883. – 20 janv. 1998 :  Juris-Data n° 1998-970118 ; Gaz. Pal. 1998, 1, somm. p. 10. – 20 janv. 1998 :  Juris-Data n° 1998-020215. – 10 sept. 1996 :  Juris-Data n° 1996-022971. – 16 avr. 1996 :  Juris-Data n° 1996-021381. – 20 févr. 1996 :  Juris-Data n° 1996-020838) ;

– la cession des droits d'exploitation d'une oeuvre musicale  (CA Paris, 1re ch. A, 30 janv. 1996 : Juris-Data n° 1996-023414) ;

– l'acquisition d'un bien ( CA Paris, 1re ch. A, 29 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-023056, à propos d'une officine de pharmacie);

– l'établissement d'un acte de prêt ( CA Paris, 17 janv. 1989 : Juris-Data n° 1989-021407, non-vérification de la possibilité d'une prise de sûreté. –  TGI Paris, 1re ch. 1, 1er juill. 1998 : Juris-Data n° 1998-044757, négligence de l'avocat qui omet de recueillir la signature d'un des deux époux coemprunteurs);

– la déclaration d'impôts au fisc  (TGI Paris, 1re ch. 1, 4 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-041637) ;

– la rédaction d'un acte : convention de divorce dénuée d'une clause relative aux dettes du mari envers l'épouse malgré les demandes de cette dernière ( Cass. 1re civ., 22 juin 1999, n° 96-22.358 :  Juris-Data n° 1999-002653) ou prévoyant le versement d'une prestation compensatoire à la place d'une pension alimentaire, privant ainsi la veuve d'une rente  (CA Montpellier, 1re ch., 7 févr. 1995 : Juris-Data n° 1995-034013)  ; contrat de bail commercial contenant une clause illicite  (CA Paris, 16e ch. B, 18 déc. 1998 : Juris-Data n° 1998-023706)  ; contrat de vente dépourvu d'objet  (CA Paris, 14 juin 1996 : Juris-Data n° 1996-600876)  ; acte de caution sans vérification du pouvoir de la personne se prétendant habilitée à engager une personne morale en cette qualité  (CA Paris, 1re ch. 1, 10 avr. 1995 : Juris-Data n° 1995-021825).

L'irrespect d'un délai pouvant aussi entraîner l'inefficacité d'un acte, engage sa responsabilité l'avocat rédacteur d'une promesse de vente sous seing privé qui ne transmet au notaire l'acte de vente à réitérer que deux semaines avant l'expiration du délai figurant dans la promesse alors qu'il ne pouvait ignorer que la ville était titulaire d'un délai de réponse de deux mois pour exercer son droit de préemption, conduisant ainsi le bénéficiaire de la promesse à renoncer à la vente  (CA Paris, 2e ch. B, 28 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-021710).

36. – Obligation d'information et devoir de conseil - Un avocat est également tenu, pour assurer l'efficacité des conventions, d'un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties ( Cass. 1re civ., 1er oct. 1986 : Bull civ. I, n° 229;  JCP G 1987, II, 20825, note A. Viandier;  JCP E 1987, II, 14929, note A. Viandier, à propos des conseils juridiques. –  Cass. 1re civ., 24 mars 1987 : Bull. civ. I, n° 104 ; Gaz. Pal. 1987, 2, pan. jurispr. p. 148, à propos des avocats).

Par exemple :

– pour la cession d'un fonds de commerce, l'avocat doit se préoccuper de la possibilité d'acquérir une licence IV aux fins d'ouverture et d'exploitation d'un bar-pub-brasserie  (CA Caen, 1re ch. civ. 15 févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-119648), attirer l'attention de son client vendeur sur les risques d'un crédit sur plusieurs années sans garantie ni inscription du privilège du vendeur, vérifier la solvabilité de l'acquéreur  (CA Paris, 1re ch. B, 19 oct. 1995 : Juris-Data n° 1995-023643), et avertir son client des difficultés financières de celui-ci  (CA Paris, 25e ch. A, 20 oct. 1995 : Juris-Data n° 1995-023842) ;

– pour la cession d'une entreprise ou de parts sociales, l'avocat doit informer son client de l'existence de cautionnements souscrits antérieurement par les cédants  (CA Douai, 3e ch. 2 sept. 1999 : Juris-Data n° 1999-102263), de leur faculté d'exiger du cessionnaire une garantie en contrepartie de son engagement de caution  (CA Paris, 1re ch. 1, 14 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-023300), des conséquences fiscales d'une cession de parts sociales  (CA Paris, 1re ch. A, 16 avr. 1996 : Juris-Data n° 1996-021514), ou une caution de l'étendue de ses engagements après la cession de parts sociales  (CA Versailles, 3e ch. civ., 15 mars 1996 : Juris-Data n° 1996-041162) ;

– pour la vente d'un immeuble, doit être déclaré responsable l'avocat rédacteur d'un cahier des charges, qui n'informe pas les adjudicataires de l'extinction de la servitude de passage, faisant ainsi obstacle à la possibilité de se réserver un accès à la voie départementale ( Cass. 1re civ., 12 déc. 1995, n° 93-18.753, 93-19.460P :  Juris-Data n° 1995-003716 ; Bull. civ. I, n° 459), ainsi que le rédacteur d'une promesse de vente d'immeuble qui n'attire pas l'attention de l'acquéreur sur les risques de la désignation du vendeur, son client, en qualité de séquestre de l'acompte versé sur le prix ( Cass. 1re civ., 24 mars 1987, préc.) ou qui ne signale pas au promettant la nécessité de requérir le consentement de son conjoint à la vente ( Cass. 1re civ., 30 avr. 1985 : Bull. civ. I, n° 135;  JCP G 1986, II, 20653, note M. Dagot), ou le rédacteur d'un cahier des charges qui ne renseigne pas le futur adjudicataire sur le montant exact des frais qui seront dus en sus du prix ( CA Lyon, 10 mars 1988 : D. 1989, jurispr. p. 9, note G. Montagnier) ;

– pour la cession d'aménagements d'un locataire à un autre : l'avocat doit rechercher dans quelle mesure cette cession est possible et attirer les parties sur les difficultés de son exécution  (CA Paris, 1re ch. A, 12 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-022865) ;

– pour la rédaction d'une lettre de licenciement d'un VRP, est fautif l'avocat qui n'attire pas l'attention de son client sur les conséquences financières d'une rupture de contrat résultant de l'existence d'une clause de non-concurrence ( Cass. 1re civ., 13 mars 1996, n° 93-20.578 P :  Juris-Data n° 1996-000839;  JCP G 1996, IV, n° 1035 ; JCP N 1996, II, 1220 ; D. 1996, inf. rap. p. 94) ;

– pour la rédaction d'un bail avec promesse de vente, l'avocat aurait dû recueillir le consentement de tous les indivisaires et avertir le locataire du risque couru à ne contracter qu'avec un seul indivisaire  (CA Paris, 1re ch. A, 2 mai 2000 : Juris-Data n° 2000-117942) ;

– pour le recouvrement de créances, engage sa responsabilité l'avocat qui n'a pas informé ses clients de la nécessité de renouveler leur inscription alors qu'il n'aurait pas dû ignorer la caducité des sûretés "s'il avait normalement étudié le dossier"  (CA Lyon, 1re ch., 14 janv. 1999 : Juris-Data n° 1999-040314).

2) Faute lors d'une consultation

37. – Définition du devoir de conseil - La responsabilité civile de l'avocat agissant comme conseil ne sera que rarement marquée par les caractères spécifiques de l'avocat. Ces règles se déduiront du droit plus vaste, plus moderne, de la responsabilité civile du professionnel agissant comme consultant (F. Flécheux et F. Fabiani, préc. n° 18).

Le devoir d'information et de conseil s'accompagne nécessairement d'un devoir de s'informer et de déconseiller. Ainsi, si on ne peut faire grief au rédacteur des statuts d'une société commerciale, de n'avoir pas informé des associés sur la portée de leur engagement de caution dès lors qu'aucun élément n'avait permis au conseil de supposer l'existence d'un tel engagement, il peut lui être reproché de ne pas s'être renseigné sur l'ensemble des conditions d'une opération d'augmentation de capital de SA pour laquelle son concours était demandé, et de ne pas l'avoir déconseillée ( Cass. 1re civ., 23 mai 2000, cts Rey c/ sté X :  Juris-Data n° 2000-002105 ; JCP E 2000, p. 915;  Resp. civ. et assur. 2000, comm. n° 265). Est également fautif l'avocat qui n'informe pas son client des conséquences fiscales d'une cession de parts sociales d'une SARL. En effet, il aurait pu faire des réserves ou recueillir l'avis d'un spécialiste ou même refuser le mandat confié ( CA Paris, 1re ch. A, 16 avr. 1996 : Juris-Data n° 1996-600489. – Gaz. Pal. 1996, 2, jurispr. p. 576 ; Gaz. Pal. 1997, doctr. p. 3, obs. P. Michaud).

38. – Portée du devoir de conseil - L'appréciation de la responsabilité du conseil dépend finalement d'un certain nombre de facteurs tels que le degré de difficulté de la situation soumise au conseil, le temps laissé pour l'examen de celle-ci, voire l'importance de la rémunération ( CA Lyon, 27 oct. 1971 :  JCP G 1972, II, 17012, note A. Savatier). Est donc exigée du conseil une diligence normale ; seule une erreur fautive, et non une erreur quelconque, sera de nature à engager sa responsabilité.

Il en résulte qu'un avocat consultant ne peut garantir un résultat juridique précis dès lors que ses fonctions consistent ici dans l'analyse d'une situation qui soulève un problème juridique controversé ( CA Paris 5 nov. 1959 : D. 1959, jurispr. p. 567, obs. Hébraud ; RTD civ. 1959, p. 146). L'erreur d'appréciation juridique n'est pas constitutive d'une faute dès l'instant que le conseil n'a pu prévoir une évolution jurisprudentielle ou législative ( T. civ. Strasbourg, 9 juill. 1958 : Gaz. Pal. 1958, 2, jurispr. p. 365).

De plus, si l'avocat est tenu de procéder à certaines recherches et vérifications, cette obligation doit s'apprécier selon le contexte. Ainsi, le rédacteur d'un acte de cession de parts sociales et d'un acte de garantie n'est pas fautif même si l'acte a été annulé pour dol. En effet, si le cédant a été condamné pour escroquerie et que le contrat de bail était un faux, aucun reproche ne peut être fait à l'avocat qui s'est fait communiqué le contrat et n'était pas tenu de s'enquérir du montant des dettes du cédant en présence d'une garantie du passif  (CA Paris, 5e ch. B, 2 avr. 1999 : Juris-Data n° 1999-023352).

Les obligations de l'avocat dépendent également de l'étendue du mandat qui lui a été donné ( CA Paris, 1re ch. A, 15 déc. 1998 : Gaz. Pal. 29 mai 1999, p. 31, obs. Landry ; Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 30). Par exemple, il ne peut être reproché à un avocat de ne pas avoir vérifié la situation économique de la société cessionnaire car il n'a pas été chargé d'une mission d'enquête sur ce point ( CA Paris, 1re ch. A, 20 févr. 1996, préc.). Il semble toutefois que les juges apprécient rigoureusement cette possibilité d'exonération. Ainsi, une société d'avocats ayant reçu la mission de conseiller en droit des sociétés et en gestion du personnel, mais pas expressément en matière fiscale, est néanmoins tenue d'une obligation de conseil sur les incidences juridiques et financières des opérations et modifications que l'entreprise peut envisager. Dans ce cadre, la société d'avocats aurait dû l'avertir des incidences fiscales d'une création de société et la pousser à solliciter un avis technique sur ce point  (CA Rennes, 1re ch. A, 28 avr. 1998 : Juris-Data n° 1998-044749).

En revanche, la personnalité ou les compétences du client ne sont plus de nature à exonérer l'avocat de sa responsabilité. Ainsi, il a été affirmé, à propos d'un avocat chargé d'enchérir pour le compte d'un marchand de biens lors de l'adjudication d'un bien immobilier, que les compétences personnelles du client ne dispensent pas l'avocat, rédacteur d'un acte, de son devoir de conseil ( Cass. 1re civ., 7 juill. 1998 : Bull. civ. I, n° 238;  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 346 ; RTD civ. 1998, p. 911, obs. Jourdain;  JCP G 1998, IV, 3009 ; Juris-Data n° 1998-003310. – Même sens,  Cass. 1re civ :  Resp. civ. et assur. 1999, comm. n° 263 ; Juris-Data n° 1999-001936. – Contra,  CA Toulouse, 1re ch., 19 août 1999 : Juris-Data n° 1999-107398). Il est par exemple indifférent que le dirigeant d'une société cliente ait été titulaire d'une maîtrise en droit ( CA Paris, 1re ch. A, 8 févr. 1999, préc. n° 3).

2° Existence d'un préjudice

39. – La responsabilité civile professionnelle de l'avocat ayant pour but de réparer le dommage causé par celui-ci dans l'exercice de sa profession, il importe donc que le demandeur ait subi un préjudice réparable. Il s'agit ici d'une pure application des règles du droit commun.

40. – Nature du préjudice - Peu importe la nature du préjudice, pourvu qu'il existe, c'est-à-dire que le demandeur ait souffert d'une détérioration de sa situation.

Le dommage peut être matériel. Par exemple, perte éprouvée du fait du renouvellement d'un bail aux conditions de loyer antérieures ( Cass. 1re civ., 18 juin 1996 :  Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 319)  ; privation du bénéfice d'une rente pour une salariée victime d'un accident du travail ( Cass. soc., 18 avr. 1980 : Bull. civ. V, n° 319) ou une veuve  (CA Montpellier, 1re ch., 7 févr. 1995 : Juris-Data n° 1995-034013)  ; redressement fiscal ( Cass. civ., 28 juin 1983 : Bull. civ. I, n° 188)  ; paiement des honoraires sans cause, l'avocat n'ayant pas ou mal assuré la défense des intérêts de son client  (CA Paris, 1re ch. A, 30 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-103132. – TGI Paris, 1re ch. 1, 18 févr. 1998 : Juris-Data n° 1998-041059).

Le préjudice moral peut aussi être réparé, comme celui subi par une personne incarcérée pour avoir cessé le versement de sommes dont était assortie une mesure de contrôle judiciaire, faute pour elle d'avoir été avertie par son avocat de l'absence d'effet suspensif de l'appel contre une ordonnance de refus de mainlevée de cette mesure  (CA Paris, 1re ch. A, 19 mars 1991 : Juris-Data n° 1991-021944 ; Resp. civ. et assur. 1990, comm. n° 113). Les soucis et les tracas imputables à la faute professionnelle de l'avocat sont également réparables  (CA Paris, 1re ch. A, 1er févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-103879).

41. – Défaut de préjudice - À l'inverse, la responsabilité de l'avocat est exclue si sa faute n'a pas eu de conséquences dommageables pour le demandeur.

Les juges refusent la réalité du préjudice dans plusieurs cas :
- lorsque la procédure ou l'action envisagée était sans espoir et que la situation du client était donc vouée à l'échec (Cass. 1re civ., 26 avr. 2000, n° 99-11.025 : Juris-Data n° 2000-001665. – 9 nov. 1999, n° 98-17.369 : Juris-Data n° 1999-004144. – 7 oct. 1998, n° 96-10.413 : Juris-Data n° 1998-003831. – 26 nov. 1996 : Juris-Data n° 1996-004586. – 8 oct. 1996, n° 95-10.221 : Juris-Data n° 1996-003752. – 18 juin 1996, n° 94-13.841 : Juris-Data n° 1966-002677. – 18 oct. 1978 : Gaz. Pal. 1979, 1, 118. – 27 mai 1972 : Bull. civ. I, n° 138. – CA Caen, 1re ch. civ., 12 oct. 1999 : Juris-Data n° 1999-105610. – CA Paris, 12 oct. 1998 : Juris-Data n° 1998-970568. – CA Lyon, 1re ch. 1, 26 mars 1996 : Juris-Data n° 1996-043348. – CA Aix, 1re ch. A, 24 janv. 1995 : Juris-Data n° 1995-040033. – TGI Paris, 1re ch. 1, 7 janv. 1998 : Juris-Data n° 1998-040492) ;
- lorsque le client aurait agi de la même manière, même si l'avocat n'avait pas commis de faute. Il en a été ainsi jugé à propos d'un client qui aurait engagé la procédure en cause, même s'il avait été dûment informé du fait que les débours et droits fixes s'ajouteraient aux honoraires ( Cass. 1re civ., 26 janv. 1999, n° 96-22.271 :  Juris-Data n° 1999-000406)  ; de même, l'acceptation par un avocat d'une convention de liquidation de communauté déséquilibrée n'est pas à l'origine d'un préjudice dans la mesure où les deux époux en instance de divorce avaient voulu ce résultat et que le déséquilibre aurait existé sans la présence de l'avocat  (CA Besançon, 1re ch. civ., 26 mai 1998 : Juris-Data n° 1998-046158) ;
- lorsque le client conservait la possibilité d'agir : tel est le cas du client qui, bien que non informé par l'avocat de la possibilité de faite appel, avait néanmoins été informé par la signification du jugement qui contenait tous les renseignements lui permettant d'agir  (CA Grenoble, ch. civ. réunies, 14 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-109925) ou encore de celui qui disposait d'autres voies de recours  (CA Paris, 1re ch. A, 3 déc. 1996 : Juris-Data n° 1996-024075).

En matière de rédaction d'actes, il n'y a pas de préjudice si l'impossibilité pour un acquéreur d'acquérir une officine de pharmacie ne résulte pas de la faute de l'avocat conseil du cédant, qui n'a pas vérifié qu'il existait une clause de non-concurrence, mais de difficultés matérielles rencontrées par l'acquéreur potentiel  (CA Paris, 1re ch. A, 29 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-023056). Il en va de même si le client n'établit pas que la faute de l'avocat rendait sa créance irrécouvrable  (CA Lyon, 1re ch., 14 janv. 1999 : Juris-Data n° 1999-040314).

42. – Perte de chance de gagner son procès - On perçoit aisément qu'en cas d'inexécution par l'avocat d'un mandat se rattachant à l'activité judiciaire, le client demandera réparation en invoquant, au titre du préjudice souffert, que par la faute de l'avocat, il a perdu une chance de gagner son procès.

La perte de chance de gagner un procès suit les principes du droit commun : elle constitue un préjudice réparable à la condition d'être réelle et sérieuse. Or, la jurisprudence dominante apprécie cette double condition au vu du résultat qu'aurait eu le procès qu'elle soumet à un examen de forme et de fond. Elle rejette ainsi l'idée selon laquelle tout procès n'est jamais perdu d'avance et écarte la réalité du préjudice lorsque le procès n'avait aucune chance d'avoir une issue favorable pour le justiciable. La Cour de cassation exerce d'ailleurs un contrôle strict de l'appréciation de la perte de chance par les juges du fond : par exemple, ils ne peuvent pas se contenter d'alléguer qu'il est impossible de connaître de manière certaine quel aurait été le résultat d'un procès, mais doivent déterminer les chances de succès de l'action radiée par l'avocat sans le consentement de son client ( Cass. 1re civ., 2 avr. 1997 :  JCP G 1997, IV, 1121 ; Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 232) ou, à l'inverse, l'absence de toute probabilité de succès d'une action ( Cass. 1re civ., 8 juill. 1997 : Bull. civ. I, n° 234;  Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 338 ; Juris-Data n° 1997-003254).

Ainsi, la réalité du préjudice est établie lorsque le risque d'échec de l'action était quasiment nul ( Cass. 1re civ., 18 juin 1996 :  Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 319), perte de la chance :
- d'obtenir l'exécution provisoire d'un jugement et des intérêts moratoires  (Cass. 1re civ., 9 nov. 1999 : Juris-Data n° 1999-004142) ;
- d'obtenir la réformation d'un jugement en appel ( Cass. 1re civ., 4 juill. 1980 : Bull. civ. I, n° 72. –  CA Paris, 25 mai 1987 : D. 1989, somm. p. 104, A. Brunois) ;
- d'aboutir devant la Cour de cassation compte tenu de sa jurisprudence dominante ( Cass. 1re civ., 18 nov. 1975 : Bull. civ. I, n° 274 ; Gaz. Pal. 1976, 1, jurispr. p. 3) ;
- d'obtenir une indemnisation pour les ayants-droit de la victime d'un accident de la circulation qui n'avait pas commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident  (CA Paris, 1re ch. A, 8 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-109270) ;
- d'obtenir l'annulation d'une décision administrative autorisant son licenciement ( CA Paris, 1re ch., 8 juin 1999 : Gaz. Pal. 1999, 2, jurispr. p. 32) ;
- de recouvrer des créances dont le montant aurait entraîné l'ouverture d'une liquidation judiciaire si elles avait été déclarées, dont les titulaires bénéficiaient de sûretés immobilières de premier rang et en l'absence de créancier impayé titulaire d'un privilège préférable  (CA Paris, 1re ch. A, 29 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-022810).

3° Existence d'un lien de causalité

43. – Droit commun - Toutes les conditions de la responsabilité de l'avocat seront remplies si un lien de cause à effet entre sa faute et le dommage causé est démontré ; le préjudice dont se plaint le demandeur doit résulter de la faute de l'avocat de telle façon que sans cette faute, le dommage ne serait pas survenu. Ici encore, nous sommes en présence d'une simple application des principes du droit commun.

44. – Existence d'un lien de causalité - La faute de l'avocat doit être à l'origine d'une impossibilité définitive pour son client de faire valoir ses droits ( TGI La Roche-sur-Yon, ch. civ. 21 févr. 1995 :  Juris-Data n° 1995-045544).

Le lien de causalité a été considéré comme établi pour le préjudice subi par un plaideur qui avait perdu une chance sérieuse de gagner son procès parce que l'avocat avait laissé expirer le délai d'appel sans l'informer de la teneur de la décision rendue en première instance ( Cass. 1re civ., 7 févr. 1989 : Bull. civ. I, n° 62) ou pour le dommage causé à un acquéreur qui avait perdu le prix versé pour l'achat d'un ensemble immobilier faute pour l'avocat de l'avoir informé des conséquences juridiques du jugement de mise en liquidation judiciaire de la venderesse et des formalités à accomplir pour que la vente soit opposable à tous ( Cass. 1re civ., 25 nov. 1980 : Gaz. Pal., 1981, 1, jurispr. p. 98). Il a été également jugé que, si la perte du procès n'était pas unie par un lien de causalité entre les fautes de l'avoué et de l'avocat – dépôt tardif des conclusions –, ce lien était établi entre les négligences commises et la perte d'une chance d'aboutir à un meilleur résultat  (CA Nîmes, 1re ch., 2 avr. 1990 : Juris-Data n° 1990-000309).

45. – Défaut de lien de causalité - En revanche, n'a pas été démontré le lien entre la perte par une femme mariée du montant de sa part dans la communauté et l'absence d'inscription de son hypothèque légale imputable à l'avoué ( Cass. 1re civ., 13 févr. 1973 : Gaz. Pal. 1973, 1, p. 49) et a été cassé l'arrêt de la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le lien entre la faute du rédacteur d'une promesse de vente d'un bien commun qui n'avait pas informé le promettant de la nécessité de requérir le consentement de son épouse et le dommage matériel subi par le bénéficiaire de la promesse du fait de son annulation ( Cass. 1re civ., 30 avr. 1985 : Bull. civ. I, n° 135;  JCP G 1986, II, 20653, note M. Dagot). Peu importe que l'avocat n'ait pas attiré l'attention de son client sur la nullité de la convocation du juge, puisque celui-ci a régulièrement comparu  (CA Paris, 1re ch. A, 13 juin 2000 : Juris-Data n° 2000-121126).

Le fait de ne pas avoir vérifié, dans le cadre d'une vente immobilière sur licitation aux enchères publiques, que l'immeuble figurait à la conservation des hypothèques a pu être jugé sans conséquence sur le retard de publication du jugement à la conservation des hypothèques et avec le défaut de paiement du solde du prix  (CA Paris, 1re ch. A, 11 janv. 2000 : Juris-Data n° 2000-105994).

C. –  Effets de la responsabilité

46. – Réparation du préjudice - Si le manquement fautif de l'avocat à ses obligations professionnelles a été la cause directe du préjudice subi par son client ou éventuellement par un tiers, il sera condamné à réparation.

La responsabilité civile de l'avocat oblige celui-ci à réparer le dommage causé sous forme de dommages et intérêts dont l'évaluation est laissée à la liberté des juges du fond. Afin de garantir à la victime une indemnisation effective, le législateur impose aux avocats une obligation d'assurance.

1° Évaluation judiciaire des dommages-intérêts

47. – Pouvoir souverain des juges du fond - Le montant du préjudice dépendant de l'importance des chances de succès du justiciable  (Cass. 1re civ., 13 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-000605), la réparation octroyée doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ( Cass. 1re civ., 16 juill. 1998 : Juris-Data n° 1998-003246 ; JCP G 1998, n° 37, II, n° 10143, p. 1553, note R. Martin). Toutefois, son évaluation étant abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond, tant le montant que les bases de calcul des dommages-intérêts sont divers.

Si les juges limitent parfois l'indemnité au remboursement des frais de procédure ( CA Paris, 27 avr. 1981 : Gaz. Pal. 1981, 2, p. 189) ou allouent une indemnisation symbolique ( Cass. 1re civ., 19 oct. 1976 : Gaz. Pal. 1976, 2, p. 274), il leur arrive aussi de prendre en compte, dans le calcul des dommages-intérêts, les sommes perdues par la victime. Ainsi l'avocat qui par sa faute, n'a pas permis à son client d'obtenir remboursement des fonds qu'il avait prêtés s'est vu condamner au paiement des sommes dues par l'emprunteur ( Cass. 1re civ., 5 févr. 1991 : Bull. civ. I, n° 46 ; Gaz. Pal. 1991, 2, pan. jurispr. p. 164;  JCP G 1991, IV, 26). De même, lorsqu'un salarié victime d'un accident du travail n'a pu exercer dans le délai légal l'action en majoration de rente pour faute inexcusable de l'employeur en raison de la carence de son avocat, les juges allouent des dommages-intérêts correspondant au montant des indemnités dont il a été privé. Il a été également décidé que l'avocat d'un employeur qui a omis de faire appel d'un jugement du conseil de prud'hommes devait être condamné à verser des dommages-intérêts équivalents à l'indemnité allouée par la juridiction prud'homale à la salariée  (CA Paris, 2e ch. A, 12 nov. 1991 : Juris-Data n° 1991-024105).

Les dommages-intérêts portent de plein droit intérêt à compter du jugement rendu. En outre, lorsque la décision a été purement et simplement confirmée en appel, la décision porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement rendu en première instance  (C. civ., art. 1153-1). Toutefois, le juge peut déroger à cette disposition et considérer, par exemple, que la somme qui en résulterait est insuffisante. C'est ainsi, qu'un avocat a pu être condamné à verser, outre une somme à titre de réparation à sa cliente privée de la jouissance des arrérages d'une rente, des intérêts à compter de la tentative légale de conciliation  (CA Paris, 1re ch. A, 16 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-023233).

2° Obligation d'assurance

48. – Principe et étendue - Afin de protéger les intérêts économiques des clients ou des tiers, les avocats sont tenus d'assurer les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle  (L. 31 déc. 1971, art. 27 et 55). Cette garantie ne couvre pas les conséquences des activités extérieures à la profession d'avocat, telles que l'encaissement sans aucun contrôle sur un compte CARPA de chèques remis par des particuliers à des personnes leur ayant proposé des placements financiers, ce compte ayant vocation à recevoir les fonds des clients des avocats à la condition qu'ils aient un lien avec l'activité professionnelle de ceux-ci  (CA Paris, 1re ch. A, 10 janv. 2000 : Juris-Data n° 2000-106105).

Le montant garanti ne peut être inférieur à 2 000 000 F par année et par assuré, et la franchise ne peut excéder 10 % des indemnités dues dans la limite de 20 000 F. Cette franchise est inopposable aux tiers  (D. 27 nov. 1991, art. 205).

En outre, pour les avocats qui exercent à titre permanent leur profession dans un autre État membre de la Communauté européenne, l'État d'accueil peut imposer la souscription d'une assurance s'ils ne justifient pas d'une couverture équivalente à celle qui est exigée pour les avocats nationaux (Dir. 98/5/CE du Parlement et du Conseil, 16 févr. 1998,  art. 6-3 : JOCE n° L077, 14 mars 1998 p. 36).

49. – Modalités - Cette assurance peut être contractée collectivement ou personnellement par les avocats auprès d'une entreprise d'assurances régie par le Code des assurances  (D. 27 nov. 1991, art. 205). Le conseil de l'ordre doit vérifier que les garanties ont bien été constituées (L. 1971,  art. 17, 9°) et peut imposer à tous les avocats disposant dans son ressort d'un bureau principal ou secondaire un montant minimal d'assurance obligatoire  (Cass. 1re civ., 23 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-000789). Par ailleurs, il peut décider de souscrire une assurance collective à laquelle chaque avocat est tenu d'adhérer ( Cass. 1re civ., 5 oct. 1999 :  JCP G 2000, I, 231, n° 26), répartir le coût de l'assurance sur l'ensemble de ses membres, quel que soit le mode d'exercice de leur profession ( Cass. 1re civ., 7 nov. 2000, n° 97-22.401, n° 1643, Minassian c/ Conseil de l'ordre et a. : Lamy assurances 2001, Bull. A n° 69) et recouvrer en même temps la prime et la cotisation nécessaire au fonctionnement de l'ordre à condition de respecter "les principes d'équité et d'égalité entre les avocats" (ibid.).

Lorsqu'un avocat est membre d'une société d'avocat, collaborateur ou salarié d'un autre avocat, sa responsabilité civile professionnelle est couverte par l'assurance de la société dont il est membre, ou de l'avocat dont il est le collaborateur ou le salarié. Toutefois, le collaborateur qui exerce parallèlement la profession d'avocat pour son propre compte doit souscrire une assurance couvrant la responsabilité qu'il peut encourir du fait de cet exercice  (D. 27 nov. 1991, art. 206).

50. – Mise en jeu - Le contrat d'assurance de responsabilité professionnelle des avocats exclut généralement de la garantie les activités incompatibles avec la profession d'avocats. C'est sur ce fondement qu'un avocat dont la responsabilité avait été engagée à l'occasion de l'exécution d'une activité de courtage, n'a pu faire jouer son assurance ( CA Colmar, 2e ch. civ., 4 oct. 1996 : Juris-Data n° 1996-612440 ; D. 1997, jurispr. p. 254, H. Vray).

Un assureur de responsabilité qui indemnise la victime du dommage occasionné par son assuré est subrogé dans les droits de celle-ci et peut agir à l'encontre du débiteur définitif. C'est ainsi qu'un assureur qui avait indemnisé un établissement bancaire pour la perte de distribution du prix de l'adjudication d'un immeuble saisi, a bénéficié de la subrogation légale à l'encontre des cautions de l'établissement  (Cass. 1re civ., 2 févr. 1999 : Juris-Data n° 1999-000509).

51. – Garantie du remboursement des fonds reçus - Le barreau est également tenu de souscrire une assurance pour le compte de qui il appartiendra ou une garantie financière pour le remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats  (L. 31 déc. 1971, art. 27).

La mise en oeuvre de ces garanties repose sur deux conditions : le demandeur doit justifier, d'une part, d'une créance certaine, liquide et exigible, d'autre part de l'insolvabilité de l'avocat qui résulte d'une sommation de payer ou de restituer, restée sans effet pendant le mois suivant sa signification  (D. 27 nov. 1991, art. 208 et 219). Le régime de ces deux garanties n'est cependant pas identique. Par exemple, en cas de sinistre et de pluralité de demandeurs, le paiement est effectué au marc le franc pour la garantie financière alors qu'aucune procédure n'est prévue pour l'assurance ( Cass. 1re civ., n° 95-21.840 P, 17 mars 1998 :  Juris-Data n° 1998-001286 ; Bull. civ. I, n° 113;  JCP G 1998, n° 20, IV, n° 2047, p. 889;  JCP E 1998, n° 20-21, pan. rap. p. 780).

Dans le même but, toute personne qui donne des consultations juridiques ou rédige des actes sous seing privé pour le compte d'autrui doit également justifier d'une garantie financière consistant nécessairement en un engagement de caution pris par une entreprise d'assurance ou une banque habilitée à cet effet  (L. 31 déc. 1971, art. 55).

III. –  Responsabilité disciplinaire des avocats

52. – Responsabilité disciplinaire des avocats - Même si une faute disciplinaire ne constitue pas nécessairement une faute civile ( CA Versailles, 25 mars 1981 : Gaz. Pal 1981, 1, jurispr. p. 369, note A.D.), il paraît opportun de donner quelques indications sur la responsabilité disciplinaire des avocats, en rappelant que la discipline qui prévalait dans l'ancienne profession d'avocat s'applique désormais à la nouvelle. Seront successivement envisagées les causes de la responsabilité disciplinaire, la procédure et les sanctions disciplinaires (Y. Avril, La responsabilité de l'avocat : Dalloz, 1981, n° 204 s. – A. Damien (ss dir. de), La profession d'avocat : Gazette du Palais-Litec, coll. Jurisprudence Française, vol. 8, 1991, p. 199 s.).

A. –  Causes de la responsabilité

53. – Existence d'une faute disciplinaire - L'avocat s'expose à une sanction lorsqu'il est l'auteur d'une contravention aux lois et règlements, d'une infraction aux règles professionnelles ou d'un manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse  (L. 31 déc. 1971, art. 22 et 25-1. – D. 27 nov. 1991, art. 183). Toute erreur commise par un avocat ne constituant pas forcément une faute disciplinaire ( CA Pau, 19 mars 1981 : Gaz. Pal. 1981, 2, jurispr. p. 446, note A.D.), il appartient donc à l'organe disciplinaire d'apprécier l'existence d'une telle faute et de décider de sa sanction.

54. – Dans le cadre de la profession - Le manquement à la discipline se rapportera le plus souvent à l'exercice de la profession. Par exemple, porte atteinte à l'honneur de celle-ci, l'avocat qui engage comme juriste salarié un ancien bâtonnier condamné pénalement pour des fautes graves commises dans l'exercice de ses fonctions ( Cass. 1re civ., 26 janv. 1999 :  JCP G 1999, I, p. 126, R. Martin). De même, porte atteinte aux règles de délicatesse, de probité et de loyauté l'avocat qui pour obtenir le paiement d'honoraires excessifs, profite du désarroi moral de son client ( Cass. 1re civ., 18 juill. 1977 : Gaz. Pal. 1977, 2, somm. p. 358) ou utilise des manoeuvres déloyales ( Cass. 1re civ., 15 nov. 1977 : Gaz. Pal. 1978, 1, somm. p. 3) ou poursuit une procédure malgré une correspondance de ses clients lui faisant part de leur incapacité financière à en assumer les frais  (CA Agen, 1re ch., 7 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-043170) ou encore assure une banque de l'existence d'une créance au profit de son client alors qu'il ignore si cette créance est certaine ( CA Rennes, 16 févr. 1982 : Gaz. Pal. 1982, 1, jurispr. p. 167, note A.D.).

La faute disciplinaire peut aussi être commise à l'encontre d'un autre avocat, ce qui est le cas chaque fois que le règlement intérieur du barreau est violé, par exemple par l'omission d'informer un ancien employeur de la prise en charge des intérêts d'une partie de ses clients ( Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, Sté fiduciaire jurid. et fiscale de France c/ conseil de l'ordre de Saintes : Bull. civ. I, n° 321;  JCP G 1996, IV, p. 269 ; JCP E 1996, n° 44-45, pan. p. 387 ; Gaz. Pal. 1997, n° 127-128, pan. p. 11).

55. – Dans le cadre extra-professionnel - Le manquement à la discipline est également passible de sanction lorsqu'il se rapporte à des faits extra-professionnels de nature à porter atteinte à la dignité de la profession. Tel est le cas, par exemple, de l'avocat qui entretient des relations sexuelles avec une mineure dont le père, client de cet avocat, avait été condamné pour attentat à la pudeur sur sa personne ( Cass. 1re civ., 7 févr. 1990 : D. 1991, somm. p. 301) ou qui, en dehors de sa profession, utilise sa qualité aux fins d'intimidation ( Cass. 1re civ., 16 févr. 1982 : Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jurispr. p. 229. – 10 mars 1987 : Bull. civ. I, n° 88 ; D. 1989, somm. p. 72, obs. A. Brunois) ou qui, bien que condamné à payer des rappels de salaire et diverses indemnités (environ 26 000 F) à sa secrétaire licenciée sans cause réelle et sérieuse, ne lui verse aucune somme mais désintéresse certains de ses autres créanciers à hauteur de 250 000 F ( CA Paris, 1re ch. F, 24 févr. 1999 : Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 382).

B. –  Procédure disciplinaire

56. – Deux procédures disciplinaires - La loi du 31 décembre 1990 a maintenu, à côté de la procédure ordinaire, une procédure spéciale pour les fautes commises à l'audience.

1° Procédure ordinaire

57. – Principe - La procédure disciplinaire est régie par les articles 187 à 199 du décret du 27 novembre 1991, inspirés par l'idée d'une plus grande protection des droits de l'avocat, notamment par le respect du principe du contradictoire aussi bien lors de l'instruction que lors de l'instance  (D. 27 nov. 1991, art. 192 à 195). L'avocat répond de ses fautes disciplinaires devant le conseil de l'ordre (ou, à défaut, devant le tribunal de grande instance), siégeant comme conseil de discipline  (L. 31 déc. 1971, art. 22). La procédure civile – et non pénale – est appliquée ( Cass. 1re civ., 26 janv. 1999 :  JCP G 1999, I, 126, R. Martin).

58. – Déroulement - Lorsqu'un avocat est mis en cause, le bâtonnier, de sa propre initiative, sur demande du procureur général ou sur plainte de tout intéressé, procède à une enquête sur le comportement de cet avocat, à l'issue de laquelle il peut décider de classer l'affaire ou de la renvoyer devant l'organe disciplinaire  (D. 27 nov. 1991, art. 189). Le conseil de l'ordre peut être également saisi par le procureur général agissant seul ou après classement prononcé par le bâtonnier et il est aussi autorisé à se saisir d'office  (D. 27 nov. 1991, art. 190).

Après avoir fait procéder à une instruction contradictoire  (D. 27 nov. 1991, art. 191), le conseil de l'ordre convoque l'avocat qui comparaît en personne et peut se faire assister d'un autre avocat. Les débats sont publics  (D. 27 nov. 1991, art. 192). Le conseil rend sa décision qui doit être notifiée dans les huit jours de son prononcé à l'avocat et au procureur général  (D. 27 nov. 1991, art. 195). En vertu du principe d'impartialité prévu à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne peuvent pas participer à la délibération du Conseil les rapporteurs qui ont enquêté sur les faits ( Cass. 1re civ., 5 oct. 1999, 2 arrêts, préc.) et le bâtonnier en ce qu'il est à l'origine de la poursuite ( Cass. 1re civ., 23 mai 2000, Pasqualini : Bull. civ. I, n° 151;  JCP G 2001, I, 284 n° 11, R. Martin). Au nom du même principe, il appartient à une cour d'appel de rechercher si une requête en suspicion légitime contre le conseil de l'ordre était fondée et si tel est le cas, d'évoquer et de statuer au fond. Dans cette hypothèse, le principe d'impartialité prévaut donc sur l'exigence d'un double degré de juridiction ( Cass. 1re civ., 7 nov. 2000 : D. 2001, jurispr. p. 811, note P. Cassuto-Teytaud).

L'avocat poursuivi et le procureur peuvent faire appel de la décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification  (D. 27 nov. 1991, art. 196). En revanche, l'appel du plaignant, même avocat, n'est pas recevable car il n'y a pas de constitution de partie civile en matière disciplinaire.

2° Procédure spéciale en cas de faute commise à l'audience

59. – Déroulement - Lorsqu'une juridiction considère qu'un avocat a commis à l'audience un manquement aux obligations que lui impose son serment, elle peut saisir le procureur général afin de poursuivre cet avocat devant le conseil de l'ordre. À compter de sa saisine par le procureur, le conseil de l'ordre dispose d'un délai de quinze jours pour statuer, et l'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la demande. Le procureur peut alors interjeter appel : la cour d'appel a la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire à condition d'avoir au préalable invité le bâtonnier ou son représentant à formuler des observations  (L. 31 déc. 1971, art. 25). Comme le conseil de l'ordre siège ici en tant que juridiction et n'est donc pas partie, un pourvoi dirigé à son encontre ou exercé par lui est irrecevable ( Cass. 1re civ., 13 oct. 1999 :  JCP G 2000, I, 231).

Relèvent de cette procédure l'attitude injurieuse d'un avocat à l'égard du président de la juridiction ( Cass. 1re civ., 11 mai 1976 : Bull. civ. I, n° 164 ; Gaz. Pal. 1976, 2 somm. p. 186) ou l'abandon de la barre par un avocat commis d'office qui quitte l'audience sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le président de la juridiction ou le bâtonnier ( CA Paris, 16 déc. 1987 : Gaz. Pal. 1988, 2, 487, note A. Damien ; D. 1989, somm. p. 73, obs. A. Brunois).

C. –  Sanctions disciplinaires

60. – Les différents types de sanctions - L'avocat dont la responsabilité disciplinaire est reconnue, est exposé à quatre types de sanctions qui varient selon la gravité de la faute commise  (D. 27 nov. 1991, art. 184 à 186).

Ne constitue pas à proprement parler une sanction mais une mesure destinée à protéger les droits de la défense l'interdiction provisoire faite à un avocat mis en examen et placé sous contrôle judiciaire d'exercer sa profession lorsqu'elle a un rapport avec les faits qui fondent la poursuite. C'est ainsi que l'article 138-12° du Code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971. Selon, R. Martin, cette interdiction doit donc émaner du conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, même si certains juges ordonnent cette interdiction et se contentent de transmettre leur décision au conseil de l'ordre. Dans ce sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation a d'ailleurs jugé que le texte impose seulement au juge d'instruction d'informer le conseil de l'ordre pour lui permettre d'en tirer, au plan disciplinaire et au regard des règles de la profession, toutes conséquences qu'il estime utiles, au motif que la décision du juge d'instruction ne saurait être subordonnée à celle d'une instance disciplinaire professionnelle ( Cass. crim., 30 juin 1993 : Gaz. Pal. 1993, 2, p. 494. – 22 oct. 1997 : Gaz. Pal. 2-4 août 1998, p. 27).

L'avertissement et le blâme sanctionnent les manquements les moins importants. Une faute plus grave peut donner lieu à une interdiction temporaire d'une durée maximale de trois années qui oblige l'avocat à s'abstenir de tout acte professionnel, à ne faire état de sa qualité en aucune circonstance et à ne pas participer à l'activité des organismes professionnels auxquels il appartient. Cette mesure, qui se substitue à la suspension temporaire, peut être assortie du sursis.

Les fautes les plus graves sont sanctionnées par la radiation du tableau des avocats ou de la liste du stage ou par le retrait de l'honorariat. L'avocat radié ne pourra être inscrit au tableau ni sur la liste du stage d'aucun autre barreau. Par exemple, le fait de ne pas payer ses cotisations professionnelles pendant deux ans a été sanctionné par une omission du tableau ( Cass. 1re civ., 18 oct. 2000, n° 98-15.528 P :  JCP G 2001, I, 284, n° 11;  Juris-Data n° 2000-006299).

61. – Les mesures accessoires - Les peines disciplinaires peuvent comporter des mesures accessoires : d'une part, la décision qui prononce un blâme, un avertissement ou une interdiction temporaire peut ajouter à chacune de ces peines la privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre pour une durée n'excédant pas dix ans. Par exemple, le fait de poursuivre une procédure malgré une correspondance contraire de ses clients est constitutif d'un manquement à une obligation de probité, d'honneur et de délicatesse, sanctionné par un blâme et une interdiction de faire partie du conseil de l'ordre pendant trois ans  (CA Agen, 1re ch., 7 févr. 1996 : Juris-Data n° 1996-043170). Enfin, le conseil de l'ordre peut ordonner la publicité de toute sanction disciplinaire.

 

 

pubpubpubpubpubpub